Droit, règlements, La petite et la grande échelle, Economie

Albert HASSAN

Droit, règlements

Tandis que l’autogestion a été favorisée après-guerre pour des raisons que j’ai expliquées dans l’autoconstruction autonome, la loi Chalandon de 1971 supprime le statut de coopérateur et instaure la dichotomie locataire / propriétaire, et sépare la production et la gestion de logements. Depuis, l’autopromotion bénéficie d’un cadre légal flou, et aucun statut ne caractérise cet habitat. Certains déplorent ce manque de règles, mais d’autres remarquent qu’il est inhérent à un projet autopromu de s’affranchir des normes, et que les projets précédents ont toujours su s’accommoder de la situation juridique non favorable qu’ils rencontraient [1]. Les habitants de la maison du Val se sont constitués en SCI (société civile immobilière) pour concrétiser leur indépendance.

La proposition de loi sur l’habitat participatif prend acte du manque législatif, elle prétend donner un cadre légal à la démarche d’autopromotion. L’association Eco-Quartier de Strasbourg, dans une lettre au Ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire, énumère les enjeux législatifs et règlementaires à mettre en œuvre pour encourager l’habitat participatif :

  • communication dans le cadre du Grenelle de l’environnement sur la question de l’auto- promotion, notamment par votre site www.ecoquartiers.developpementdurab... (de nombreux sites internet en font la promotion en Allemagne),
  • instauration d’une TVA à 5,5 % sur les acquisitions foncières (comme en bénéficient les particuliers qui achètent un terrain pour construire une maison individuelle) ;
  • législation pour la création de structures légales adaptées à ce type de promotion collective (autre que la SCI) ;
  • financements directs de l’ADEME pour les projets qui s’inscrivent dans un standard basse énergie ou passif ;
  • sensibilisation, formation des architectes à ces nouvelles formes de demande sociale ;
  • appui officiel à ces démarches participatives, en particulier par le soutien à la création de structure de médiation entre les citoyens et le monde du bâtiment [2].

La petite et la grande échelles

L’échelle de l’habitat groupé n’est plus celle de la maison individuelle, mais celle de l’immeuble partagé ou de la maison en communauté. On serait tenté d’en conclure au simple caractère exceptionnel de l’autopromotion. Un tel projet n’englobe en général pas plus de 15 logements. La tendance serait-elle vouée à jouer un rôle mineur dans la question du logement ?

Francis Fukuyama, de même que Yona Friedman, insistent sur l’échelle nécessairement modeste d’un mouvement régi par des normes informelles. La volonté de mettre tout le monde d’accord tout en remplissant les conditions de chacun ne peut se faire qu’avec un nombre limité d’acteurs. Cela n’induit pas pour autant la petite échelle dans la question de l’autopromotion. A Tübingen (Allemagne), 10 à 20% des bâtiments construits depuis les années 1990 sont des baugruppen, soit des habitations initiées par un groupe de citoyens [3]. Environ 1% de la population américaine, soit 2,5 millions de personnes, vit dans d’une certaine forme de coopérative d’habitation, foyer communautaire ou communauté intentionnelle [4]. Au Danemark ce sont entre 50 000 et 100 000 personnes [5], au Québec plus de 50 000 personnes [6].

Economie

Réduire le coût de production du logement implique de limiter l’implication de certains acteurs traditionnels grâce à l’autopromotion, l’autoconstruction ou l’autogestion, écrit Anne Debarre [7]. Alain His lui répondrait que la réduction des coûts a été pour son groupe un facteur prévisible de la suppression du promoteur mais absolument pas déterminant. De plus, c’est également le fait de s’accorder les prêts entre familles qui est responsable d’une partie des économies réalisées.

Il est plus pertinent de noter que la réduction des coûts au mètre carré permet à même budget qu’un projet classique de se doter d’espaces communs conséquents (20 à 30% si on réinvestit toutes les économies réalisées). C’est-à-dire qu’étudier la réduction du coût en fonction de l’espace commun correspondant fournit un plus juste étalon de l’économie globale d’un projet d’autopromotion, ceci sans prendre en compte la location éventuelle de ces locaux à des acteurs extérieurs. Dans le cas de la maison du Val, le prix est symbolique et a moins pour but d’apporter un revenu aux habitants qu’à ouvrir le bâtiment sur ses alentours.

Le projet d’autopromotion, comme tout projet d’autoconstruction, refuse de prendre part au système habituel de la construction. Il s’affranchit du statut du promoteur, qui lui refuserait le sur- mesure (à l’exception de certains projets récents qui collaborent avec un bailleur social, notamment au moment de la recherche du terrain, comme Les Prés à proximité d’Angers). Il entraîne toute une série de complications mais qui sont compensées par l’obtention de son logement idéal et une importante économie. Il permet également de s’affranchir de la pression immobilière, ce qui transparaît souvent dans les propos des récents autopromoteurs sans que les mots soient directement prononcés.

Notes

[1André Kerspern, « Le droit et la pratique : le cadre organisationnel du groupe », in Habitats autogérés

[2Association Eco-quartier, Lettre à Monsieur Jean-Louis Borloo, 23 avril 2008

[3« Les précurseurs en Allemagne et en Suisse »,ibid.

[4Allen Butcher, ibid.

[5Allen Butcher, ibid.

[6Bruno Thouvenin et Céline Delestré, « Pour des démarches participatives d’habitat », in Silence n°372

[7Anne Debarre, ibid.