Les Castors de Villeneuve-le-Roi : une opération d’une plus grande envergure

Ratia

Projet

Contrairement aux Castors d’Ablon, ceux de Villeneuve-le-Roi étaient en même temps, autoconstructeurs et auto-concepteurs. En effet, le plan de masse ainsi que les plans des cellules ont été réalisés par deux Castors eux-mêmes. Ce sont deux dessinateurs projecteurs des P.T.T., Dubuisson et Lancery qui ont réalisé les plans des pavillons en s’inspirant des plans de M. Combs. Après une année d’études et de recherche du terrain, l’autorisation de construire est enfin acquis le 6 avril 1955. Le projet est soutenu par le Maire de Villeneuve-le-Roi, M. Cartier et c’est le Ministre des P.T.T. M. Bonnefous, qui posera la première pierre le 24 avril
1955. Dès la fin du mois de mai 1955, le Sous Comptoir des Entrepreneurs débloque les premiers fonds.

Le terrain est, contrairement à celui d’Ablon sur un sol plat. Il est acquis le 30 octobre

1954 et est situé à Villeneuve-le-Roi (94), entre la rue du Maréchal Gallieni, l’avenue du Coteau et l’avenue Edouard Branly. Aujourd’hui, le terrain est traversé par l’avenue du Marechal Leclerc et fait en tout 32 156 m² Le sous découpage des îlots forme des parcelles privées de surface variant de 231 m² et 414 m². Les 90 logements se répartissent entre 74 pavillons jumelés de type T3 modulable jusqu’au T6 si les combles sont aménagés et 16 appartements (T3 et T4) dans un immeuble collectif. Le permis de construire de ce dernier ne sera obtenu que le 7 janvier 1956.

Le travail aux P.T.T. étaient de 40h / semaine (dont le samedi matin). Les Castors P.T.T. commençaient le travail en chantier qu’à partir de 13h30 au soir, et pendant toute la journée du dimanche. Douze chefs de chantier (professionnels) se relayaient pour organiser le travail des Castors et des six maçons engagés pour la charpente. Le gros œuvre de l’immeuble collectif sera réalisé par une entreprise de construction. Le groupe a pu économiser en confectionnant lui-même ses parpaings. Comme ceux d’Ablon, les Castors de Villeneuve-le- Roi avaient un quota d’heure de travail à réaliser : Aux 40 heures mensuelles en chantier, s’ajoutait 120 heures pendant les congés, sans compter pour certains, le travail administratif et de gestion. Si des heures manquaient, il fallait soit les rattraper, soit payer l’équivalent en Franc.

En juillet 1957, les travaux sont achevés jusqu’à l’entresol. Des fenêtres en chien assis sont réservées dans les combles dans le cas où les familles souhaiteraient l’aménager. Les pavillons sont affectés par tirage au sort, mais les échanges étaient possibles selon les affinités.

Les pavillons

Le terrain de Villeneuve-le-Roi (94) est classé dans la zone à risques d’inondation d’après le Plan de Prévention des Risques d’Inondations (P.P.R.I.) réalisé par les Directions Régionales de l’Environnement (DI.R.EN), basé sur le scénario des Plus Hautes Eaux Connues (P.H.E.C.) de 1910. Les Hauts-de-Seine (92) ainsi que le Val-de-Marne (94) sont les deux départements qui seraient les plus touchés par un cas de crue de type 1910 selon les estimations réalisées par des calculs effectués par un croisement entre la carte de la répartition des îlots MOS (Mode d’Occupation des Sols) et l’IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région d’Ile de France). Le choix de l’architecture des pavillons est donc lié à la peur de revivre cette catastrophe naturelle.

Le niveau des pièces de vies sont donc surélevées de 2m. Le garage ainsi que la buanderie et la cave sont donc au rez-de-chaussée. L’accès à l’entresol se fait, soit par un escalier extérieur, soit par le garage. Les murs de refends sont espacés d’environ 7,50m (entre- axe). Ils sont porteurs, ce qui permet une flexibilité dans l’aménagement de l’espace. Dans les plans originaux, l’entresol compte un petit séjour de 13,25 m², deux chambres d’environ 11,50m², une cuisine de 6,80m² et une salle d’eau de 4 m². Quand les familles emménagent en juillet 1957, les escaliers pour accéder aux combles ne sont pas achevés. Il est donné aux soins de chacun d’aménager son pavillon comme il lui convient. Chaque famille avait la liberté de personnaliser plus ou moins son pavillon. Ce groupe Castor est donc passé de l’autoconstruction collective à l’autoconstruction individuelle de façon beaucoup plus prononcée que celui d’Ablon-sur-Seine. Des mauvaises langues diront que quelques Castors travaillaient plus sérieusement individuellement que collectivement.

L’aménagement le plus classique qui a été réalisé par une majorité de familles Castors est l’agrandissement du séjour au premier étage et la construction d’un escalier menant vers les combles qui accueilleront de nouvelles chambres. La chambre 1 est affectée au séjour lorsque la cloison sera tombée. Ce qui offre un vrai espace de salon et une vraie salle à manger aux résidents. Dans les combles, les fenêtres en chien assis sont pour la plupart orientées Sud sauf pour les pavillons implantés de façon latérale le long de la rue du Marechal Leclerc qui sont orientées Est. Les pièces orientées Sud seront souvent aménagées en chambres et celles orientées Nord en une salle d’eau et un petit bureau éclairés par des Velux orientés Nord. D’après M. Dufour, le propriétaire d’un pavillon que j’ai pu visiter, la grande majorité des Castors a adopté ce choix d’aménagement avec quelques variantes pour certains. De l’extérieur on peut déduire les différents aménagements intérieurs qui ont pu être réalisés, en se basant sur l’ajout ou pas de fenêtres ou Velux au niveau des combles sur les façades Nord. Il existe deux configurations principales : dans la première, si on compte trois Velux (ou lucarnes) sur la façade Nord, on peut en déduire trois petites pièces, qui sont souvent une salle de bain, un cabinet de toilette, et une autre pièce qui est, soit une chambre, soit un bureau. Dans la seconde, si on compte deux Velux, on peut imaginer deux pièces dont une grande salle d’eau et un bureau ou une chambre. Seul un pavillon sur 74 n’a pas pu aménager ses combles à cause du décès précoce du propriétaire. Sinon les 73 autres ont adopté soit la première configuration soit la deuxième avec quelques variantes selon les modes de vie des résidents.

L’aménagement du pavillon de M. Dufour est lié à son mode de vie et à celui de sa femme. Il occupait le poste de trésorier dans le groupe des Castors P.T.T. de Villeneuve-le-Roi. Etant à la retraite, ses principaux passe-temps sont le bricolage, la belote et l’informatique. Au niveau du garage, il s’est aménagé un espace de bricolage (atelier), avec un grand plan de travail et des rangements pour ses outils. Au niveau de l’entresol, le séjour agrandi permet de recevoir plus d’invités pour déjeuner ou pour jouer aux cartes. La chambre parentale est restée à ce niveau ainsi que la salle de bain et les toilettes. Ce qui fait qu’ils peuvent quasiment vivre entièrement dans ce même niveau. Aux niveaux des combles aménagés, il ne reste plus, après le départ des enfants, que deux chambres d’amis ou pour les petits enfants pendant leurs passages. Sinon, une pièce sous comble a été aménagée en atelier de couture pour sa femme et un bureau informatique pour lui. L’informatique, en particulier l’internet est devenu ces dernières années un outil de communication important pour tous les ménages tous âges compris. Une petite pièce avec un lavabo fait office de dressing ou de rangement entre ces deux pièces.

A part le pavillon de M. Dufour, je n’ai pu visiter aucune autre maison. Le couple a malheureusement refusé de me présenter à leurs voisins. J’ai donc pu récolter mes quelques informations qu’en interrogeant les habitants des pavillons de l’extérieur par méfiance probablement.